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  • Marine

TOUTES LES COULEURS DE LA TERRE

"Toute les couleurs de la Terre, Ces liens qui peuvent sauver le monde"

Co-auteurs : Damien Deville (franco-burkinabé, géo-anthropologue et écologiste engagé pour la diversité des territoires) et Pierre Spielewoy (juriste en droit international et doctorant en anthropologie du droit au Muséum national d’histoire naturelle), TANA Editions.

Toutes les couleurs de la Terre se lisent comme un voyage exploratoire autour du monde, dans nos territoires assoiffés de nature, de jardins potagers, dans les mémoires de villages oubliés et abandonnés des Cévennes, dans les villes qui étouffent d’être séparées et coupées du vivant, avec des humains éloignés des animaux et de leurs instincts, de l’intelligence animale capable d’apporter des solutions concrètes quand un problème bouleverse son territoire. Les animaux exercent leur agentivité et nous surprennent en agissant sur le monde. Malheureusement les humains sont souvent indifférents aux émotions animales alors que les animaux sont aussi sensibles que nous. Monde où l’absence d’empathie crée trop de souffrances.

L’écologie relationnelle en société que Damien Deville et Pierre Spielewoy nourrissent de leurs recherches se déploie tout au long de ce livre à travers nos rapports au vivant et comment nous avons transformé nos territoires, comment nous avons sacrifié et effacé une diversité millénaire au nom du capitalisme.

L’écologie relationnelle est essentielle pour affronter l’avidité humaine sans limites, qui pense toujours en terme de capital.


Gouache et collage de Florane

L’exploration de Damien Deville et Pierre Spielewoy se tisse autour de la rencontre avec l’autre, l’humain ou le non humain, de l’Australie à l’Occident, en traversant l’Afrique. Sur tous les continents, des liens à tisser et renforcer pour se sentir vivants, prêts à changer le cours de la vie, pour plus de présence et de respect. Assez de l’hégémonie occidentale, comme si nos modèles avaient vocation à être universels.

« La fin des colonies marque une autre forme de mainmise dont la violence est insoluble : la domination des idées occidentales sur la diversité des façons de vivre et de penser les sociétés ».

La Côte d’Ivoire en est un exemple. Transformée par l’économie du cacao dans les années 1970, elle a malheureusement sacrifié l’espace nécessaire à la production de céréales et de légumes indispensables à l’alimentation quotidienne. Et la perte de ses forêts a des conséquences sur le climat comme dans d’autres pays. Les éléphants ont aussi été décimés.

Comment dès lors habiter la Terre et apprendre à partager ?

Partager la nourriture, les espaces, la vie entre humains et non humains.

Comme hier « on savait être solidaire en Afrique. La nourriture était toujours partagée. Des plus riches aux plus pauvres, tous se protégeaient et évitaient les processus d’isolement et de trop grandes inégalités entre eux. »

Comment recréer et tisser du lien avec le vivant, entre nous ?

Aujourd’hui, « les jeunes voyagent énormément, mais sans réellement prendre le temps de s’imprégner des lieux visités, ils décuplent les expériences professionnelles et participent à plusieurs entreprises à la fois ». Frénésie du toujours plus, d’une consommation inconsciente, d’un voyage comme d’un menu vite oublié. Il manque cruellement un cheminement intérieur.

Avec quelle conscience pour la vie agissons-nous ?

« Tout être est de lumière », écrivent Damien et Pierre.

En Australie aux abords des villes, les koalas sont victimes de la circulation automobile. Aussi pour leur sécurité, ils se retrouvent déplacés dans des espaces naturels clôturés comme de vastes zoos. Les koalas souffrent malheureusement de consanguinité dans ces espaces fermés et les conflits éclatent entre eux. Pourquoi créer des prisons en pleine nature quand les koalas ont besoin de construire leurs propres espaces et structures d’émancipation, même en zone périurbaine ? Les espaces terrestres ne sont pas la propriété des humains. Nous vivons séparés des koalas sans imaginer que nous pourrions réunir nature et culture.

Selon le paysagiste Gilles Clément, « les jardins ont toujours été de petites parenthèses où le lien peut indéfiniment se reconstruire. »

Qu’attendons-nous pour créer des jardins-potagers, des vergers dans nos communes et nos villages, en ville ou à la périphérie des villes, afin de nous relier aux autres et de nous nourrir avec des produits locaux et de saison ? Nous pourrions créer des liens intergénérationnels forts, égrener de la vie au fil des jours, nous soutenir dans un monde où notre humanité s’effiloche pour des individualités égoïstes. Rendre enfin au vivant la place qu’il mérite en nous permettant de créer du lien entre nous. « Vivre dans un territoire est un art nourri des relations que nous tissons avec lui. »

Comment ne pas être touché par la tomate que décrivent Damien Deville et Pierre Spielewoy, cet éveil des sens avec un goût prononcé pour la saveur de vivre pleinement ?

« La dernière tomate est extrêmement symbolique. La cueillir est un moment tant apprécié, que redouté, car elle livre en bouche les saveurs suaves d’une chair tendrement sucrée, et elle offre à l’odeur un doux parfum de nostalgie. La déguster devient alors une cérémonie, une ode à la vie, la conclusion d’un cycle. (…) La dernière tomate mangée indique que l’été vient de s’achever. ».

Cette célébration de la tomate est un acte de pleine conscience, de reliance à la Terre, au jardinier, aux valeurs de nos vies.

Combien d’entre nous aujourd’hui plantent arbres et fleurs, graines de potager, en prenant soin des jardins de la vie avec amour, lenteur et patience ? Car tout demande du temps.

« Les jardins sont des chemins de traverse où l’on prépare quotidiennement des réponses aux problèmes de l’existence. »

Les arbres aussi sont nos maîtres de sagesse. Les conteurs les retrouvent pour réunir une assemblée d’enfants, des familles, des humains de tous âges pour partager légendes, conversations et palabres à l’ombre de leur feuillage.

« L’arbre millénaire renvoie l’image d’un sage vénérable, dont la barbe de feuilles invite au respect et à la compréhension d’un temps noble et prodigieux, d’un temps dont les sociétés contemporaines pourraient s’inspirer pour concevoir leur rapport à ces êtres silencieux et veiller à préserver leur belle santé. »

En se rapprochant de la fin de ce livre si coloré par la diversité de sa géographie et des liens qui nous rendent vivants, une place est ouverte au cinéma et à ses grands mythes (Avatar, La planète des singes) pour nous rappeler combien il est précieux de vivre en harmonie avec la nature et tous les êtres vivants.

Oserons-nous sauter dans l’inconnu et tisser de nouvelles relations avec plus d’humanité auprès des mondes humains et non humains ? Car c’est en ouvrant nos cœurs à la différence et à l’acceptation de l’autre, que nous pourrons vivre ensemble en appréciant et respectant tous les êtres.

Souhaitons que Damien et Pierre soient des chercheurs écoutés parce que leurs jeunes voix sont porteuses d’un futur éclairé et empreint de compassion.


Marine Locatelli, 9 mars 2020.


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